ROSPOR EDEN

Rosporden 2023, HPPR rend hommage à Pierre Loti et en particulier à son oeuvre "Mon frère Yves"
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Mon Frère Yves dans la presse espagnole

 Mon Frère Yves dans la presse espagnole

 

Mon Frère Yves, de Pierre Loti, est la remarquable étude psychologique d'un tempérament où s'opposent en un étrange combat les instincts généreux du protagoniste à l'influence extérieure d'une vie désordonnée chez des gens manquant d'éducation morale et celle, rentrée, de la funeste addiction à la boisson, distillée dans les veines, résultant d'un vice héréditaire.

Alphonse Daudet, à qui est dédié cet ouvrage, aurait pu signer certains chapitres, comme ceux dans lequel est décrit le baptême du Petit Pierre ou l'entretien de Marie avec sa belle-mère. La description de la chaumière de la mère de Yves a le charme triste et âpre des mélodies bretonnes. A côté de scènes emplies de douceur, on en trouve d'autres, grandioses et terribles, comme celle de la mer attaquant furieusement la Médée sur les côtes de Chine. Le roman est constamment rythmé par la rumeur sourde, grave et profonde de l'Océan.


Source: La Ilustración Nacional : revista literaria, científica y artística : Tome VI, Année IX, Número 26, 30 septembre 1888, p. 414

https://prensahistorica.mcu.es/es/publicaciones/verNumero.do?idNumero=4054916

 

Pierre LOTI à Gaza, 1894

 En écho aux sombres moments du Proche-Orient, voici une évocation de Gaza par Pierre Loti, lors d'un voyage en Terre Sainte en mars 1894.

Dimanche 25 mars. Dimanche de Pâques. Gaza, l'une des villes les plus vieilles du monde, nommée déjà dans la Genèse aux ténébreuses époques antérieures à Abraham, (Genèse, x, 19), Gaza fut prise et reprise, anéantie et relevée par tous les peuples antiques de la terre; les Égyptiens l'ont vingt fois possédée; elle a appartenu aux Philistins, aux géants de la race d'Énac (Josué, xi, 21,22), aux Assyriens, aux Grecs, aux Romains, aux Arabes et aux Croisés. Son sol, encombré de débris, plein d'ossements et de trésors, est travaillé jusque dans ses profondeurs. La colline de terre qui la supporte est une colline artificielle, maçonnée par en dessous en des temps reculés et imprécis; ses alentours sont minés de souterrains de tous les âges, aux aboutissements. inconnus; ses campagnes sont criblées de trous sans fond où gîtent des serpents et des lézards.

A plusieurs reprises, elle fut splendide, surtout à l'époque du dieu Marnas, qui y possédait un célèbre temple. Aujourd'hui, les sables ont comblé son port, enfoui ses marbres. Elle n'est plus qu'un humble marché, à la porte du désert, où s'approvisionnent les caravanes.

Son aspect est resté sarrasin; au-dessus de l'amas délabré de ses maisons, s'élèvent des mosquées et des kiosques funéraires aux coupoles blanches, s'élancent des palmiers sveltes et de grands sycomores.
Pays de ruines et de poussière. Quartiers d'argile, de boue séchée, avec çà et là, incrusté dans les matériaux vils, un vieux marbre sarrasin, un blason des croisades, un morceau de colonne antique, un saint ou un Baal. Débris de temples, pavant les rues; frises de palais grecs, par terre, au seuil des portes. Peu de passants, et bien entendu, aucune trace de voitures; des dromadaires, des chevaux, des ânons. Quelques immobiles turbans, blancs ou verts, assis sur les marches des lieux d'adoration. Tout le mouvement, dans le bazar obscur, couvert de palmes fanées, où des Bédouins des différentes tribus du désert achètent, avec de l'argent de pillage, des harnais de chameaux, des étuis de sabre, de l'orge ou des dattes.
  […]

Dans les quartiers hauts, nous nous arrêtons en un point d'où se découvre toute la Gaza grise aux maisons de terre, ses quelques minarets, ses quelques dômes blanchis environnés de palmiers; puis, les restes de ses remparts, d'époques imprécises, dont le plan ne se distingue plus et qui se perdent dans les cimetières. Un monde, ces cimetières envahissant la campagne; dans l'un d'eux, sous un sycomore, des femmes en groupe pleurent bruyamment quelque défunt, suivant les rites officiels, et leurs lamentations chantantes s'élèvent jusqu'à nous. Beaucoup de beaux jardins ombreux, beaucoup de sentiers bordés de cactus, par où remontent des cortèges d'ânons apportant en ville de l'eau dans des outres. Et enfin, la mer lointaine, les orges tout en velours et les sables du désert. Un grand panorama mélancolique, auquel il est difficile d'assigner une date dans la suite des âges, et là-bas, couverte de tombeaux, la colline isolée où Samson, sortant une nuit de chez la courtisane, alla déposer les portes de la Gaza des Philistins (Juges, xvi, 2, 3)

Source : Pierre LOTI, La Nouvelle Revue, tome XCI, novembre 1894, sixième partie : Le Désert,  pp. 456-457...460 (consultable en ligne, sur Gallica )

Décès de Guillaume FLOURY, le héros de LOTI

Ci -dessous, traduction de cet article en Francais.

 

La Correspondencia, 21/09/1899

  Cet article évoque le destin tragique du marin paimpolais qui a servi de modèle au personnage du plus célèbre roman de Pierre LOTI, Pêcheur d'Islande.

Dans la ville de Paimpol vient de mourir le véritable héros de l'émouvant roman de Pierre Loti. Le brave Yann évoqué par cet auteur délicat n'était pas une de ces fictions d'écrivain inspirées par les douloureuses tragédies d'Islande mais une personne bien réelle qui vivait à Paimpol sous le nom de Guillaume Floury. Loti travailla sur le portrait de son héros avec tendresse et le porta dans son roman tel qu'il était, sans la moindre altération, telle une copie très fidèle de la vie réelle. Guillaume Floury le savait et en était fier et très honoré d'une telle distinction.

Mais lorsque le roman fut publié, le brave Yann en fut très déçu parce que Loti le faisait périr noyé, renouvelant ainsi la tragédie quotidienne des "Islandais". Guillaume y vit un mauvais présage, et craignant que cette mort fictive n'apporte sur lui le malheur de sa mort réelle dans l'océan,  jamais il ne pardonna à l'auteur cette félonie. C'est pour cette raison qu'il ne voulu plus jamais s'embarquer dès lors pour l'Islande.

Car en fin de compte le destin de Yann vient de s'accomplir. Guillaume Floury vient d'être découvert noyé, comme le héros de Loti, à Pors-Even, à l'entrée de son village natal où vivent désormais seuls ses vieux parents dans la plus grande misère, pleurant la perte de leur dernier enfant décédé comme ses autres frères.

Guillaume Floury était un solide gaillard de quarante ans, grand et robuste: un vrai colosse.


Hommage à Guillaume FLOURY, Ploubazlanec

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Focus sur les personnages de l'oeuvre de LOTI

Source : DAYOT, A. (1851-1934). Le long des routes : récits et impressions, 1897

 Les seuls types durables de l’œuvre de LOTI, Yves et Yan ?

Extrait de "Les femmes de Loti", d'Armand GAYOT
 

Portrait de Gaud :

 

DAYOT Armand. "Loti et les femmes", in Le long des routes, 1897

Pierre Loti - "de mon premier voyage marin ..."

      Anonyme, La Vague, vers 1880 (BNF)

"De mon premier voyage marin, j'ai gardé le souvenir d'un soir [..] C'était en plein milieu de l'Atlantique [..]. Vers quatre ou cinq heures de l'après-midi, on me changea d'aller, dans une petite embarcation, visiter un autre promeneur du large, qui nous avait fait un signal d'appel. Oh ! quand je fus au milieu de la route, voyant loin de moi, l'un en avant et l'autre en arrière, les deux immobiles navires, j'ai pris conscience d'un tête à tête bien imposant et bien solennel avec les grandes eaux silencieuses.[..] Il y avait une houle énorme, mais molle et douce, qui passait, qui passait sous nous, toujours avec la même tranquillité, arrivant de l'un des infinis de l'horizon pour se perdre dans l'infini opposé : longues ondulations lisses, ..."

Comme un profond soupir, cet extrait du magnifique Avant-propos de Pierre Loti à l'ouvrage La mer de Jules Michelet ( Calmann-Levy, Editeurs, Paris, 1938)


Pierre Loti, la Bretagne et la mer

 

Catalogue de l'exposition "Pierre Loti, la Bretagne et la mer"

 Sommaire catalogue Pierre Loti, la Bretagne et la mer, HPPR 


Article du journal sur "Mon frère Yves"

Le Journal du 25 mars 1926, Une visite à mon frère Yves, Paul Erio

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Exposition et Balade Pierre Loti, Melgven ~ Rosporden

 29 janvier 1927: Article dans l’Exelsior repris dans Le Journal de Paimpol.

 « Mon frère Yves »

C’était le héros du livre de Pierre Loti que tout le monde a lu. Retraité de la Marine, Yves Le Corre* coulait des jours paisibles à Rosporden dans le Finistère. Il savait, on lui avait raconté que son lieutenant Viaud l’avait « mis » dans un roman et n’était pas sans en tirer quelque vanité, bien qu’il fut loin de sa célébrité mondiale. Il vient de s’éteindre à l’age de 75 ans et dort maintenant de son dernier sommeil à l’ombre de l’humble clocher de son petit village.

Si Pierre Loti vivait encore, quelle serait son émotion en voyant disparaître ce vieux compagnon qui lui inspira un de ses plus émouvants ouvrages, et dont il aimait à évoquer le souvenir.

*: il s’agit en réalité de Pierre Le Cor (1852-1927)

Source :  https://aplp22-officiel.fr/index.php/2018/06/12/le-journal-de-paimpol-articles-releves-par-pierre-cordier/

Notes du Journal de Pierre LOTI sur la Bretagne et la Mer

Lorient, 21 septembre 1878

Aussitôt la Moselle amarrée a fond du port de Lorient, je gagne le bois de Pendref. C'est une belle journée de septembre en Bretagne : un soleil pâle, quelques ondées passagères qui couvrent les chemins de feuilles mortes ; sous les arbres, le sol est tapissé de bruyères fleuries et des dernières scabieuses de l'été. (Page 26)

En mer, 27 juin

La Moselle longue une fois de plus les côtes de Bretagne, en dedans des îles et des dangers.
Quelques instants passés à Quiberon par un temps affreux. Je me sauve à terre et vais jusqu'aux alignements du Ménic. C'est bien triste, ce pays, mais si breton. La lande, la vraie lande bretonne, rose de bruyères, absolument rose, avec çà et là de larges fleurs bleues, exquises de couleur et de forme. Et, sur cette étendue rose, tout en peuple est débout, tout un peuple de menhirs aux tournures de géants caducs et bossus. Je me couche dans la bruyère et regarde par dessus ce monde de vieux fantômes de pierre qui se dressent sur le ciel lourd et gris. Au loin, l'océan, dont on aperçoit la ligne verte, fait entendre son grand bruit monotone ... (Page, 95)

Jeudi, 18 septembre

Égares dans  la brume depuis trois longs jours. Situation dangereuse. Tous les yeux se fatiguent à veiller. Vers sept heures du soir, aperçu les lueurs rouges du phare des Pierres Noires dont nous nous croyons fort loin ; puis le phare de Saint-Mathieu apparaît vaguement aussi. Route à l'est-nord-est. L'espoir renaît un instant d'entrer de nuit à Brest ; mais de nouveau, l'épais voile sombre passe sur les feux ; force nous est de retourner au large. (Page 97)

Dimanche, 22 août

La pluie tombe toujours et la mer grossit. Pourtant de bonnes vielles Bretonnes arrivent dans des barques de pêcheurs, pour dire adieu à leurs fils matelots. En route, les embruns les ont toutes mouillées et les beaux "coiffis", les pauvres petits châles verts des dimanches qu'elles ont cru devoir mettre pour la circonstance vont être perdus. Mais elles ne pensent qu'à embrasser leurs fils, ces bonnes vieilles, et cela fait quelque chose au cœur de les voir ainsi ... (Page 183)

Lundi, 23 août 

Quand je reviens, au grand port de Brest, prendre le canot pour rentrer à bord, une brume commence à embrouiller les tours sombres du Vieux Château et à faire pâlir la lune. A peine sommes-nous en rade qu'on ne voit plus rien. Le voile s'épaissit tellement, que je n'aperçois seulement pas l'avant de mon canot. Nous marchons longtemps à l'aviron, en aveugles, dans une direction probable. Nous approchons de l'escadre, on entend les vaisseaux sonner du clairon, pour se faire reconnaître. Nous tombons successivement sur plusieurs masses noires, auxquelles nous demandons : "Comment vous appelez-vous?" les factionnaires répondent : "Suffren !, Gauloise!, Surveillante ! ..." Le Fiedland est le dernier, plus loin. Il est une heure du matin quand nous arrivons à bord tout trempés. (Page 185).

Pierre LOTI, Journal intime, 1878 - 1881, Paris, Calmann-Lévy, Éditeurs, 1926

LOTI à Rosporden, par Monique TALEC

            Pierre Loti, Julien Viaud à l'état-civil, est né à Rochefort le 14 janvier 1850. En 1867, il entre à l'Ecole Navale (Brest) puis il  mène une carrière d'officier de marine qui va le faire naviguer sur tous les océans et effectuer de fréquents séjours aux ports de Brest et de Lorient. Mais il est aussi  dessinateur, musicien, écrivain. Il entre en littérature en 1872 grâce à ses articles dans l'Illustration. Il ne cessera plus d'écrire ensuite. Des romans comme Aziyadé, Le mariage de Loti, Le roman d'un spahi, Mon frère Yves, Pêcheur d'Islande, Ramuntcho, Le roman d'un enfant, Les désenchantées. De nombreux  récits de voyage : Japoneries d'automne, Au Maroc, Constantinople, Le désert, Jérusalem, La Galilée, L'Inde, Vers Ispahan, Les derniers jours de Pékin, Un pèlerin d'Angkor, La mort de Philae  etc.  Et aussi un journal intime impressionnant. Le talent de l'écrivain est reconnu puisque le 21 mai 1891, Pierre Loti est élu à l'Académie Française.

Pierre LOTI et la chapelle Notre-Dame de Bonne Nouvelle, par Monique TALEC

            Pierre Loti, Julien Viaud à l'état-civil, découvre la Bretagne à partir de son entrée à l'Ecole Navale à Brest en 1867. Il mène ensuite une carrière de marin doublée de celle d'écrivain à partir de 1878. Parce que son ami matelot Pierre le Cor a épousé une Rospordinoise en 1877, l'écrivain séjourne régulièrement dans la cité des étangs. Et séduit par la culture bretonne, il se fait même broder un habit melenig qu'il aime porter pour se rendre aux fêtes et pardons, tout particulièrement à celui de Bonne Nouvelle renommé dans toute la région et fréquenté non seulement par les paysans mais aussi par les marins de la côte proche et par leurs familles.

            Après Aziyadé (1879), Le mariage de Loti (1880) et Le roman d'un spahi (1881), toujours s'inspirant de sa propre vie, Loti se lance dans l'écriture de Mon frère Yves qui paraît le 13 octobre 1883. Le personnage d'Yves est inspiré par Pierre le Cor dont Loti raconte la vie de marin ainsi que son histoire à terre (Saint-Pol-de Leon, Plouherzel, Paimpol, Brest, Rosporden) le baptême du premier né, la construction d'une maison, les fêtes à Rosporden et à la chapelle Notre-Dame de Bonne-Nouvelle « qui est seule au milieu des bois comme si elle s'était endormie là, et oubliée depuis le Moyen-Age. »  Il s'y rend la veille du pardon : « Deux femmes étaient arrivées, l'une jeune, l'autre fort vieille et caduque ; elles portaient le costume de Rosporden et paraissaient avoir fait longue route. Elles tenaient à la main de grandes clefs. C'était pour ouvrir le vieux sanctuaire, qui reste fermé tout le long de l'année, et préparer l'autel pour le lendemain.

Extraits de "Mon frère Yves", de Pierre Loti : les sorcières


"Auprès du petit enfant, il y a ce matin un nouveau personnage, une vieille très laide et très extraordinaire, qui fait son entendue et à qui on obéit c'est la sage-femme, à ce qu'il parait. Elle a l'air un peu sorcière, dit Anne, qui devine mon impression mais c'est une très bonne femme. 

Oh oui, une très bonne femme, appuie le vieux Corentin c'est un air qu'elle a comme cela, monsieur, mais elle ne manque pas de religion, et même elle a obtenu de grandes bénédictions, l'an passé, au pèlerinage de Sainte-Anne. Cassée en deux comme Carabosse, un nez crochu en bec de chouette et des petits yeux gris bordés de rouge, qui clignotent très vite comme ceux des poules, elle va de droite et de gauche, affairée, avec sa grande collerette de cérémonie toute raide; quand elle parle, sa voix surprend comme un son de la nuit on croirait entendre la hulotte des sépulcres.

 Yves et moi, nous n'aimions pas d'abord cette vieille auprès du nouveau-né mais nous songeons ensuite que, depuis cinquante ans, elle préside aux naissances des petits enfants du pays de Toulven, sans avoir jamais porté malheur à aucun, bien au contraire. D'ailleurs, elle observe en conscience tous les rites anciens, tels que faire boire au petit avant le baptême un certain vin dans lequel on a trempé l'anneau du mariage de sa mère, et plusieurs autres qui ne devraient jamais être négligés.

(...)

"Au dessert, on entendit dehors marmotter très vite, à deux voix, en langue de basse Bretagne, des espèces de litanies. C'étaient deux vieilles, deux pauvresses, qui se donnaient le bras, appuyées sur des bâtons, comme font les fées quand elles prennent forme caduque pour n'être pas reconnues. Elles demandèrent à entrer, étant venues pour dire la bonne aventure au petit Pierre. Sur son berceau de chêne où on le balançait doucement, elles firent des prédictions très heureuses, et puis se retirèrent en bénissant tout le monde."

Pierre LOTI, Mon frère Yves

Gilles LUNEAU nous ramène ...

 


Les lavandières par GAUGUIN, 1886

 

Paul GAUGUIN, Les lavandières, 1886

 "Au bord de la rivière, des femmes lavent leur linge sur des dalles de pierre carrées qui s'étendent sur l'eau. […] Vous pouvez vous asseoir dans un bois avec le ruisseau à vos pieds, et tout autour de vous de grandes collines à moitié couvertes d'ajoncs et de fougères, et ici et là d'énormes blocs de granit, qui semblent prêts à tomber à tout moment. » 

Mortimer MENPES« Brittany » Londres, Adam et Charles Black, 1905.  (Second  voyage effectué en 1900)

Ecrivains et voyageurs au Pays de l'Aven, fin XIX siècle

Ill CALDECOTT, Breton Folk, An artistic Tour in Brittany, 1880 (Pont-Aven)


 Les écrivains et voyageurs de l'époque de Loti sont assez peu nombreux à avoir laissé leurs impressions sur le Pays de l'Aven et; encore moins, sur la petite ville de Rosporden, à l'écart, il est vrai, de l'axe majeur Brest Quimper-Nantes. 

Après la Révolution, Cambry et Lavallée ont sillonné le département, puis, à l'époque romantique, notons Flaubert et Maxime Du Camp, Souvestre et, le développement de la lithographie aidant, une multitude d'artistes, venus croquer cette pointe extrême de la province en quête d'exotisme, alimentant de leurs dessins de costumes, de sites et monuments d'imposants recueils de voyages « pittoresques » fort prisés sous le Second Empire comme Lalaisse, Charpentier, Benoist, Taylor et Nodier, Potel, Saint-Germain, Rouargue, Penguilly. 

C'est l'époque où l'on publie aussi la poésie, les contes et la « matière bretonne », avec La Villemarqué, Souvestre, Luzel, Brizeux, Fréminville, entre autres, alors que les lexicographes, à l'instar de Le Gonidec, amorcent un renouveau de la langue bretonne, des compilateurs comme Janin et Pitre-Chevalier publient des Histoires de Bretagne illustrées de gravures sur acier, de costumes et de blasons.

L'étude peu scientifique encore des monuments celtiques a pu parfois alimenter le courant de « celtomanie » qui émergeait en Europe sous l’influence de l’Écossais Mac Pherson. 

Quelques années plus tard, c'est Pont-Aven qui, après les Américains, attira des peintres-voyageurs et artistes de France et d'Europe. 

A la même époque, si Pierre Loti a largement évoqué Rosporden dans son roman « Mon frère Yves », son contemporain Proust n'a séjourné qu'à Beg-Meil et Belle-Ile.

Notes de Marc DANIGO, 28/12/2022, Atelier Pierre Loti de HPPR

ROBIDA, Albert. La vieille France, Bretagne

 ROBIDA, Albert. La vieille France, Bretagne. Paris, la Librairie illustrée. P. 223.

« Rosporden est un fort village en jolie situation qui se mire dans la belle nappe blanche de son petit lac (...). 

De Rosporden, une petite ligne ferrée conduit maintenant à Concarneau, la si curieuse ville de pêche située sur la verdoyante et riante baie de la Forest (...), ouverte comme une conque marine entre Concarneau et Fouesnant ».

Maxime MAUFRA

Texte consultable en internet : Gallica

POTEL, Jérôme Jean, La Bretagne et ses monuments

 POTEL, Jérôme Jean, La Bretagne et ses monuments. Nantes, Sébire, 1844.

'En allant de Quimper à Quimperlé, l'on rencontre dans un site très pittoresque une petite ville située au bord d’un magnifique étang d’environ 40 hectares de surface. Cette ville, c’est Rosporden, dont le nom, composé de deux racines bretonnes, signifie 'bords de la hauteur'. Sa position et son aspect lui mériteraient déjà de fixer l’attention des voyageurs, si son élégant clocher n’attirait forcément les regards. (...).
Tout près de Rosporden se trouve le vieux manoir de Coat-Canton; il appartenait au XVIIe siècle, d’après le nobiliaire de Bretagne, au sieur Louis Lesné de Penfautan, gentilhomme de noble race, qui possédait encore les seigneuries de Kerjacob, de Coethuon, de Beauregard, de Keryon, de l'Isle et de Lesguernes. Mais le château de Coat-Canton n’est plus qu’une ruine, et la famille de Lesné de Penfautan s’est éteinte dernièrement dans la petite ville de Tréguier.
Rosporden doit être considéré, par ceux qui voyagent en Bretagne, comme un point où ils peuvent s’arrêter pour faire quelques excursions dans le pays. Le port de Concarneau n’en est pas éloigné ; c’est là que se réfugia le vaisseau le Vétéran, qui ramenait en France l’un des frères de Napoléon. Ses fortifications entourent encore la ville, telles qu’elles existaient, lorsque Duguesclin l’assiégea ; elles datent du XIVe siècle. On remarque à Concarneau les ruines d’une église gothique fort belle, dont la rose était admirable. Les îles des Glénan, qui sont à quelques kilomètres au large, sont remarquables par leurs sites.
La petite rivière, qui sort de l’étang de Rosporden, traverse une longue allée semée de moulins à eau, et se jette dans la mer, après avoir baigné les murs du bourg de Pont-Aven, gîte délicieux où l’on se croirait bien loin des agitations qui, de temps à autre, bouleversent notre société."

 HERSART de LA VILLEMARQUÉ, Théodore, Barzaz Breiz

 HERSART de LA VILLEMARQUÉ, Théodore, Barzaz Breiz, Franck, 1846, tome 2 p. 55.

LE CARNAVAL DE ROSPORDEN.
« Le vingt-septième jour du mois de février de l'année mil quatre cent quatre-vingt-six, pendant les jours gras, est arrivé un grand malheur dans la ville de Rosporden. — Écoutez chrétiens !

» Trois jeunes débauchés étaient en une hôtellerie ; le vin qu'ils buvaient à plein pot faisait bouillir leur sang ; quand ils eurent assez bu et assez rempli leur panse : — Habillons-nous de peaux de bâte et allons courir !»
L'un de ces trois garçons, le plus chétif, voyant ses camarades s'éloigner, s'en alla droit au cimetière, et plaça sur sa tête,  sur sa tête, une tâte de mort ! C'était horrible à voir !»
Et dans les trous des dent yeux, il mit deux lumières et s'élança comme on démon à travers les rues ; les enfants tout effrayés fuyaient devant lui, et les hommes raisonnables eux-mêmes, s'éloignaient à son approche.»
Ils avaient fait leur tour sans se rencontrer, quand ils arrivèrent tous trois ensemble, dans un coin de cette ville.» Et eux, alors de hurler, et de bondir, et de railler tous trois. — Seigneur Dieu ! où es-tu ? Viens t'ébattre avec nous !»
Dieu, fatigué de les voir, frappa un grand coup qui fît trembler toutes les maisons de la ville ; tous les habitants se recueillirent dans leur cœur, croyant que la fin du monde était venue.»
Le plus jeune, avant de regagner sa demeure, revint porter la tête de mort au cimetière, et lui dit en s’en allant :» — Viens donc chez moi, tête de mort ; viens-t'en demain souper.»
Alors il prit le chemin de sa maison ; il se jeta sur son lit pour se reposer, et dormit toute la nuit ; le lendemain matin en se levant, il s'en alla travailler, sans plus songer à la veille et à la fête.» Il saisit sa fourche, et s’en alla travailler en chantant à tue-tête, en chantant sans souci.»
Comme tout le monde soupait, vers l’heure où la nuit s'ouvre, on entendit quelqu'un qui frappait  à la porte. Le valet se leva aussitôt pour ouvrir ; il fut si épouvanté, qu’il tomba à la renverse.
 Deux autres personnes s'élancèrent à l’instant pour le relever ; elles furent si troublées, qu’elles moururent subitement.» Le mort s’avançait lentement jusqu’au milieu de la maison. — Me voici venu souper, souper avec toi. Allons donc, cher ami, ce n’est pas loin d’ici ; allons nous asseoir ensemble à ma table, elle est dressée dans ma tombe.»
Hélas ! il n’avait pas fini de parler, que le jeune homme éperdu jetait un cri épouvantable ; il n’avait pas achevé, pas achevé, que la tête du malheureux frappait violemment à terre et s’y brisait. »

Rosporden, un havre de paix pour Pierre Loti

Quand on plonge dans la vie de Louis-Marie-Julien Viaud, plus connu comme Pierre Loti, on a l’impression qu’il a vécu plusieurs vies.

Dans une de ses vies, il devient en quelque sorte breton, car pendant quelques années il va faire partie d’une famille bretonne. En effet, cet officier de marine charentais a tissé des liens fraternels avec un marin breton, Pierre Le Cor,  marié à une fille de Rosporden, et il devient le parrain de leur premier enfant, qu’il surnomme petit goéland.

La découverte de la vie bretonne de Rosporden, très attachée aux traditions, dans la belle famille de Pierre le Cor,   l’attire et  le fascine ; ainsi que la nature environnante.Il y trouve un havre de paix, un éden.

Il va prendre note de tout, de  l’intérieur de la chaumière, des costumes, des rituels … dans son journal intime et, ensuite, il va recréer son expérience bretonne : les portraits des personnages, les situations, il va tout décrire ..  dans un roman qu’il va appeler Mon frère Yves.

Dans ce roman, Rosporden devient Toulven, les personnages se font appeler autrement, mais Pierre Loti, dans ce récit va retracer tout l’exotisme du Pays de l’Aven en cette fin du XIXème siècle : paysages, traditions, coutumes,... comme il fera par rapport à d’autres lieux pour lui tout aussi exotiques. 

RosporEden, la parenthèse bucolique de Pierre Loti.

VAGNAIR, Jules, Le Carnaval à Rosporden, Le Figaro, 24/06/1893

Le carnaval de Rosporden, Fantaisie inédite, Le Figaro

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