Il faisait très chaud pour un temps de Bretagne. En plein jour, c'était un vrai jardin que ce toit de chaume des vieux Keremenen une quantité de petites fleurs blanches, jaunes, roses, s'y étaient installées en compagnie d'une grande variété de fougères, et le soleil s'éparpillait dessus, toujours tamisé par les chênes.
Au dedans, il faisait encore frais, dans le demi-jour un peu vert, sous la
voûte basse et noire des vieilles solives.
Le dîner était prêt sur la table, et la femme d'Yves, qui s'était levée
pour la première fois. nous attendait, assise à sa place, dans ses beaux habits de fête. En
quelques jours, sa jeunesse s'était envolée, elle était pâle et maigrie. Yves
la regarda avec un air de surprise déçue qu'elle put voir puis, comprenant que
c'était mal, il alla l'embrasser avec affection, un peu en grand
seigneur. Et, moi, j'augurais de tristes choses de cette entrevue de
désenchantement.
Toutefois ce dîner du baptême fut gai. Il se composait d'un grand nombre de
plats bretons et dura fort longtemps.
Au dessert, on entendit dehors marmotter très vite, à deux voix, en
langue do basse Bretagne, des espèces de litanies. C'étaient deux vieilles,
deux pauvresses, qui se donnaient le bras, appuyées sur des bâtons, comme font
les fées quand elles prennent forme caduque pour n'être pas reconnues. Elles
demandèrent à entrer, étant venues pour dire la bonne aventure au petit Pierre.
Sur son berceau de chêne où on le balançait doucement, elles firent des
prédictions très heureuses, et puis se retirèrent en bénissant tout le monde.
Alors on leur remit de grosses aumônes, et Anne leur fit des tartines
beurrées.