Yves a reçu de Toulven, du vieux Keremenen, la dépêche suivante :
« Petit garçon né cette nuit. Se porte très bien, Marie aussi.» CORENTIN KEREMENEN. »
La nuit venue et nous couchés, impossible de dormir. J'entends Yves dans
son lit qui se tourne, se vire, comme il dit avec son accent breton. A l'idée
qu'il ira demain à Toulven voir ce petit nouveau-né, son bon et brave cœur déborde de toute
sorte de sentiments dans lesquels il ne se reconnait plus.
...Deux jours après lui, je dois, moi aussi, me rendre à Toulven pour le
baptême.
Et il fait mille projets pour cette cérémonie -Je n'ose pas vous
le dire, mais, si vous vouliez, à Toulven, manger chez nous? Dame, vous savez,
chez mon beau-père ça n'est pas comme à la ville, bien sûr.
XLIII
Brest,
15 juin 1878.
Dès le matin, je pars pour Toulven, où Yves m'attend depuis hier.
Temps splendide. La vieille Bretagne est verte et fleurie. Tout le long du
chemin, de grands bois, des rochers.
Yves est là à l'arrivée de la diligence que j'ai prise à Bannalec. Près de lui se tient une jeune fille de dix-huit ou vingt ans qui rougit, bien jolie
sous sa grande coiffe.
- - Voici Anne, me dit Yves, ma belle-sœur, la marraine.
Il y a encore une petite distance entre le bourg et la chaumière qu'ils
habitent à Trémeulé en Toulven.
Des gars du village chargent mes malles sur leurs épaules, et me voilà en
route pour faire ma visite au goéland qui vient de naître; pour faire connaissance aussi avec cette
famille de bas Bretons, dans laquelle mon pauvre Yves est entré par coup de
tête, sans trop savoir pourquoi.
Comment seront-ils, ces nouveaux parents de mon frère Yves, et ce pays qui
va devenir le sien?